La sottise
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Voici un extrait d’un texte inédit du philosophe Hubert Grenier, un corrigé de dissertation consacré à “la sottise”, et adressé à ses élèves du lycée Louis-le-Grand.
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“Naïve, dit-on la sottise, en aucun cas. Elle serait bien plutôt retorse, sournoise, sur ses gardes. Le sot se méfie, c’est quelqu’un à qui on ne la fait pas. Le sot n’est pas candide, et vous auriez pu vous reporter sur ce point au Candide de Voltaire. Il a pour unique défaut, mais il s’en débarrassera au cours du récit, de trop faire confiance aux autres. Comment Voltaire nous présente son personnage ? « Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple, c’est pour cette raison qu’on le nommait Candide. » La candeur est une marque d’enfance, mais cette marque n’est pas une tare. Vous vous êtes souvent égarés en prenant vos exemples de sottise dans l’enfance. Il faut attendre d’être adulte pour être sot. Si la sottise est un système, il lui faut se constituer peu à peu. On ne naît pas sot. On le devient.
Pas plus qu’elle n’est l’idiotie, la sottise n’est la bêtise avec laquelle vous la confondez. La maladresse de la bêtise vient d’une crainte, d’un manque de confiance en soi. L’homme bête n’ose pas émettre, développer ses pensées, il se croit indigne [de ce pouvoir de penser qui est] en lui comme en tous. La bêtise est humble et balbutiante. Tout au contraire, comme l’a très bien vu l’un d’entre vous, la sottise s’étale, elle se justifie. Elle s’affiche. La sottise est la bêtise quand elle est devenue impudente.
Trop peu d’entre vous ont considéré, alors que ce thème circule partout dans toute la littérature du 17e et du 18e siècle, que la sottise est vanité. « La sottise et la vanité sont toujours compagnes » écrit Beaumarchais. D’où ce mot de Madame [Deshoulières] : « L’amour-propre est hélas ! le plus sot des amours ». Inoffensif, amusant le sot, comme vous vous [complaisez] à le dire ? Redoutable au contraire et haïssable, comme Montaigne nous l’a expliqué. Les sots en imposent par leur assurance, leur faconde, car ils sont beaux parleurs et ne doutent de rien. Là où l’intelligence hésite, la sottise fonce. Voilà pourquoi, ainsi que Montaigne l’analyse dans quelques pages introductives de l’Art de conférer, et dont je vous conseille vivement la lecture comme de l’ensemble du chapitre, les sots tout naturellement mènent le monde. Ils le mènent mal, mais ils le mènent. (…)”
Hubert Grenier
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