Éric de Montgolfier, ancien procureur général, s’interroge sur les étrangetés de la proposition de loi du député Ciotti visant l’interdiction de filmer les forces de l’ordre en intervention. Ce que propose cette loi, c’est tout simplement une violation systématique du code pénal, par la dissimulation de preuves. Voici sa tribune:
“Mais qu’ont donc fait les policiers à Eric Ciotti? Y aurait-il au fond de son subconscient quelque secret qui pourrait expliquer tant d’acharnement à les déconsidérer ? Jusqu’ici, à le lire et l’entendre, je le tenais sans doute pour un apôtre de la sécurité, avec peu de modération ; au point, quand les agents de la Force publique se trouvaient en difficulté, de prendre souvent leur parti. On voyait bien alors qu’il y montrait encore un peu d’intelligence. Mais voilà que l’histrion parlementaire, quand la Police a besoin de son soutien, prend l’initiative de ruiner ce qui lui reste de crédit. Parce que, comme aux USA, un cinéaste amateur, présent lors d’une de ces interventions musclées qui s’inscrivent dans nos valeurs actuelles, a filmé une intervention publique qui s’est achevée par un cadavre, le vibrionnant député de la Côte d’Azur propose que soit interdite la diffusion de telles scènes. Au moins y apporte-t-il de la retenue puisqu’il ne recommande pas de crever les yeux des passants.
Certes il faut maudire ces nouveaux moyens qui permettent aux citoyens d’être témoins des mœurs des institutions de la République, mais quand même ! Qui ne comprendrait le souci de ne pas gêner ceux qui voudraient s’exonérer du regard de tiers malveillants, faire pleinement usage de ces admirables techniques dont Michèle Alliot-Marie proposait jadis de faire bénéficier un dictateur pour l’aider à mater son peuple ? Mais de là à sanctionner toute diffusion d’images édifiantes ! Comme si monsieur Ciotti redoutait que toutes les interventions policières ne soient entachées de cette violence que la loi réprouve quand elle ne répond pas à la nécessité. Ignorerait-il qu’une porte fermée laisse plus de place à l’imagination, donc au soupçon qui se nourrit de ce qu’on prétend lui cacher ? J’imagine que des syndicats de policiers vont protester contre une proposition propre à tous les rendre suspects.
Mais qu’a donc fait le Parlement à ce député pour être soumis à un tel dilemme par l’un des siens ? Voter cette proposition, c’est plaire à ceux qui se voilent systématiquement la face dès qu’on évoque de prétendues violences policières, n’imaginant pas d’en être jamais victime. La loi et l’ordre, comme le proclame Donald Trump, avec manifestement plus de goût pour le second que pour la première. Ne pas la voter conduirait à s’exposer à des critiques acerbes, dangereuses en ces temps électoraux ; les policiers ne seront sans doute pas les derniers à s’émouvoir ni à peser sur une décision que devrait protéger la démocratie. Il en est ainsi même lorsque des exactions sont indéniables, même devant les juges où ils se pressent souvent en masse et en uniformes pour tenter de faire pencher la balance. Le débat sera cornélien, et en droit tout autant si l’on veut bien se rappeler que le code pénal interdit de soustraire ou de dissimuler des preuves d’infraction. Quel dommage qu’Eric Ciotti ne puisse prétendre à la succession de Jacques Toubon comme Défenseur des droits ; il semble bien que la fonction crée l’organe.”
Eric de Montgolfier
Pour voir une vidéo d’Eric de Montgolfier sur les libertés publiques et les violences policières en France, cliquez ici.
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