“…On sent bien que l’identité des civilisations signifierait la mort de la civilisation. Une civilisation se mesure d’abord à ceci qu’elle est capable d’apprécier, d’accueillir les autres. En ce sens, la barbarie ne précède pas la civilisation, elle la suit comme son ombre. La barbarie, c’est pour une civilisation de se prendre pour la civilisation, de s’identifier à la civilisation. Le culturel, n’est-ce pas la différence ?
Il y a pourtant – nous le sentons aussi – quelque chose de louche dans l’exaltation des différences. Les inégalités humaines peuvent y apparaître comme de délicieuses variétés esthétiques, comme de précieux échantillons à conserver pieusement. Ah ! le bon vieux temps où la Havane était si pittoresque.
Ou bien l’on risque de tomber dans la candeur de la belle âme : entre nous, comme le dit Deleuze faisant le portrait de cette belle âme, pas de contradictions, rien que des différences, des différences si aisément conciliables, si aisément fédérables avec un petit peu de bonne volonté réciproque.
Au fond l’identité a dans l’ordre politique du penchant pour les différences. L’impérialisme, qui est la politique de l’identité, se réclame des différences et entend laisser chaque peuple dans ses différences.
C’est pourquoi le combat politique est combat pour l’unité ; pour cette unité qui sauvera la différence de l’inégalité, qui libérera la différence dans l’ordre politique – aussi, bien des choses s’éclaireraient si l’on comprenait que l’unité, toujours à inventer et à accomplir, créer, ne se confond pas avec l’identité, cette arrogance de l’inertie d’esprit.”
Hubert Grenier in “L’identité”, cours inédit, disponible en intégralité sous forme numérique ici ou là.
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